Daniel Vanier Fanadiens
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La fabuleuse histoire des frères Stastny
Daniel Vanier - Fanadiens.com
Il y a un moment, je discutais avec des amis à propos de la possible venue de Paul Stastny avec le Canadien. De fil en aiguille, nous en sommes venus à discuter de Peter Stastny puis de ses frères Anton et Marian. Je me suis aperçu que ce n’est pas tous qui se souviennent de leur incroyable histoire entourant leur venue à Québec. J’ai donc eu envie de l’écrire pour que certains puissent la découvrir, alors que d’autres vont au moins se remémorer de beaux souvenirs ! Alors voici sans plus tarder la fabuleuse histoire des frères Stastny.
Le 25 août 1980, les Nordiques de Québec présentaient fièrement à leurs partisans ceux qui allaient marquer le plus profondément l’histoire de l’équipe, les frères Stastny :
L’évasion des frères Stastny
Avec un scénario qui dépassait les meilleurs romans policiers, l’évasion des frères Stastny du bloc communiste a fait sortir les Nordiques des bas-fond de la LNH et donné un trio fort talentueux à la formation québécoise.
Les Nordiques se sont intéressés à l’avenir des frères Stastny après avoir choisi Anton lors du repêchage d’entrée dans la Ligue nationale de hockey de 1979. À l’été de 1980, le dossier des frères Stastny est au point mort. Depuis quelques années déjà, les Nordiques s’intéressent au talentueux trio tchécoslovaque composé de Marian (l’aîné), Peter et Anton. Le club est toujours en contact avec leur agent Ludovic Katona, mais rien ne se concrétise. En février, aux Jeux olympiques de Lake Placid, Marcel Aubut et Gilles Léger (responsable de la «filière» tchécoslovaque) ont bien préparé l’évasion des trois hockeyeurs, mais le projet est tombé à l’eau à la dernière minute.
Peter Stastny fut l’instigateur !
C’est Peter qui donne finalement la chance aux Nordiques de réussir ce coup fumant. Déçu des tactiques de l’entraîneur de son club de Bratislava, il considère que le temps est venu de quitter la Tchécoslovaquie et de joindre les rangs de la LNH.
Voici ce que raconte Robert Laflamme, l’auteur du livre Les Stastny, le coup de génie de Gilles Léger:
«L’élément déclencheur fut une rencontre au sommet entre Peter et des hauts gradés de l’armée à l’été 1980. Peter – et même Anton et Marian – n’était pas d’accord avec la tangente prise par le hockey tchécoslovaque et les relations n’étaient pas bonnes entre les deux parties. On avait alors menacé Peter de lui faire perdre ses privilèges au sein de l’équipe nationale.»
Selon Laflamme, Peter ne pouvait pas vivre avec cette épée de Damoclès au-dessus de la tête. Perdre ses privilèges, ça voulait notamment dire pour Peter, qui est très croyant, ne plus pouvoir pratiquer la religion catholique librement et aller à l’église chaque dimanche, comme il a continué à le faire quand il était chez les Nordiques.
«C’est là qu’il a dit non, il faut que l’on quitte. Et un peu plus d’un mois plus tard, il y avait le Tournoi de la Coupe d’Europe. C’est là que Peter et Anton ont pris la déchirante décision de quitter sans le dire à Marian.»
Au mois d’août 1980, les frères Stastny doivent se rendre à Innsbruck, en Autriche, pour un tournoi de hockey. C’est l’occasion rêvée. Peter planifie son évasion. Sa femme Darina l’accompagne bien qu’elle soit enceinte de huit mois. Le jeudi 21 août, à Innsbruck, Peter passe un coup de fil à la direction des Nordiques: «Avez-vous toujours de l’intérêt pour nous? Nous sommes prêts». Voilà qui était inespéré! Aubut et Léger prennent le premier avion pour l’Autriche et débarquent à Innsbruck le vendredi en fin de journée. Un premier rendez-vous avec les Stastny a lieu le soir même.
Deux problèmes importants surgissent. D’abord, Marian ne peut suivre ses deux frères au Canada puisque sa famille est toujours à Bratislava. En fait, Marian n’était même pas au courant du plan élaboré par son frère Peter; il ne lui a jamais entièrement pardonné cette «trahison». Autre pépin pour Aubut et Léger: même s’ils ont signé leurs contrats avec les Nordiques, Peter et Anton refusent de partir avant de jouer le dernier match du tournoi, le dimanche soir. Après deux longues journées d’attente, l’opération peut enfin se matérialiser. Les Stastny font faux bond à l’équipe tchécoslovaque, se glissent dans une voiture et se rendent à l’hôtel Intercontinental de Vienne où les attendent impatiemment Aubut et Léger.
En tentant de ressortir de l’hôtel le lundi matin, coup de théâtre! La voiture est surveillée par des agents tchécoslovaques. Heureusement, on avait prévu le coup et deux autres voitures sont disponibles à proximité. Le petit groupe se réfugie à l’ambassade canadienne, qui prend le contrôle des opérations. Sous escorte policière, les quatre hommes et la femme sont conduits à l’aéroport de Vienne; le même jour, en soirée, ils atterrissent à Mirabel. Le lendemain, à la salle de réception de la brasserie O’Keefe à Montréal, Marcel «James Bond» Aubut et Gilles «Columbo» Léger racontent leurs aventures aux nombreux journalistes présents. Aubut en rajoute pour la galerie: «J’ai manqué de me faire tirer cinq fois!» En revanche, Peter, Anton et Darina sont d’un calme désarmant. C’était surprenant de les voir aussi stoîques car il fallait du courage pour réussir une telle évasion.
Pendant ce temps, en Tchécoslovaquie, Peter est condamné à 18 mois d’emprisonnement par contumace pour avoir fait défection.
Du courage, il en faut aussi à Marián , rentré auprès de sa famille à Bratislava. Il a dut subir des interrogatoires toujours plus nombreux. En raison de l’escapade de ses deux frères, l’équipe nationale le suspend et des agents surveillent sa maison en permanence. Il entreprend alors des travaux importants à sa maison pour donner l’impression à la police qu’il tient à demeurer au bercail. Les agents relâchent leur surveillance et, au début de juin 1981, Marian part en voiture avec sa femme et ses trois enfants en direction de la Hongrie, qu’il traverse d’un seul trait pour rejoindre la Yougoslavie et finalement l’Autriche. De là, il contacte les Nordiques et rejoint ses deux frères au Canada, le 6 juin 1981. Le trio des frères Stastny est enfin réuni.
«Nous vivions des moments très émouvants. J’étais très inquiet au sujet de ma famille. Je n’arrêtais pas de me demander si je reverrais un jour mes parents et mes proches. C’était terrible», s’est remémoré Peter Stastny, en entretien avec Le Journal de Québec.
Épaté par la vie en Amétrique du Nord
«Nous vivions des moments très tendus. À l’époque, c’était impossible de s’imaginer ce qu’on vivait. On fuyait un régime basé sur la peur où on ne pouvait faire confiance à personne. Pour se rapprocher aujourd’hui de ce qu’on a pu connaître, il faudrait vivre en Corée du Nord.»
Les Stastny ont vite compris que la vie était bien différente en Amérique du Nord Anton Stastny se remémore en rigolant Anton Stastny :
«Déjà en débarquant à Québec, entre l’aéroport et l’hôtel, on voyait plein de gens dans la rue qui nous souhaitaient la bienvenue sur des écriteaux. On était estomaqués et on a vite compris que le côté chaleureux des Québécois était leur grande qualité»
Peter Stastny rappelle à quel point les Québécois ont rendu la vie des Stasny en Amérqiue beaucoup plus facile :
«Les gens de Québec nous ont accueillis gentiment dès la première minute. Nos esprits étaient préoccupés et il y avait énormément de nervosité, mais les Québécois ont rendu notre arrivée plaisante. Ce n’était pas encore notre maison, mais c’était tout comme»
Cela n’empêche pas que fuir le régime communiste ne s’est pas faite sans heurts. Lorsqu’il y repense ou en parle, Peter Stastny en tremble encore :
«Pendant au moins deux ans, je faisais les mêmes cauchemars. Je représentais mon pays sur la glace et je devais me sauver pour éviter de me retrouver en prison. C’était constamment le même rêve horrible et je me réveillais chaque fois heureux de me retrouver au Québec plutôt que là-bas»
Des joueurs de qualité
Au final, l’audace de Gilles Léger et Marcel Aubut aura permis à 3 excellents joueurs de fouler les patinoires de la Ligue Nationale de Hockey. Voici d’ailleurs les statistiques des 3 frères :
Un trio électrisant !
Pour leur deuxième saison dans la LNH, les deux frères cadets sont rejoints par Marián et sa famille. L’entraîneur en chef de l’équipe, Michel Bergeron, décide alors de réunir les trois frères au sein du même trio. C’est alors un des trios les plus électrisants de la saison avec 300 points inscrits à eux trois : Peter inscrit 46 buts et 93 aides, pour un total de 139 points — cette marque constitue toujours le record de points pour une saison de la franchise, incluant les records de la franchise alors qu’elle déménagera au Colorado et deviendra l’Avalanche.
Marian Stastny
L’aîné des frères Stastny aura joué 4 saisons avec les Nordiques. Il a participé au match des étoiles en compagnie de son frère Peter à sa 2e saison dans la LNH.Il avait terminé la saison 1982-1983 avec 79 points en 60 parties.b gent libre et signe un nouveau contrat avec les Maple Leafs de Toronto le 12 août 1985. Il va finalement jouer une saison entière dans l’équipe qui se qualifie de justesse pour les séries.Il obtiendra 53 points en 70 parties avec les Maple Leafs, puis l’année suivante il quitte l’Amérique du Nord pour la Suisse et le HC de Sierre.
Anton Stastny
Petit fait cocasse sur le benjamin de la famille Stasny, l a été choisi au cours du repêchage amateur de la Ligue nationale de hockey en juin 1978 par les Flyers de Philadelphie (198e choix). Cependant, il n’avait pas atteint l’âge minimal (19 ans à l’époque) pour avoir le droit d’être sélectionné. Il sera finalement choisi l’année suivante par les Nordiques de Québec (83e choix). Anton Stastny a été le premier joueur slovaque à être sélectionné par une équipe de la LNH.
Anton aura joué 9 saisons dans la LNH , toutes avec les Nordiques. Il a accumulé 252 buts et 384 passes pour un total de 636 points en 650 matchs. Par la suite il s’est dirigé dans la ligue A de Suisse avec le HC de Fribourg-Gotteron. Il a ensuite disputé 2 saisons avec le EHC d’Olten,toujours dans la ligue A de Suisse avant de prendre sa retraite.
Peter Stastny
Peter Stastny connut une carrière tout simplement phénoménale ! Après Wayne Gretzky, il fut le joueur le plus prolifique des années 1980. seule l’arrivée de Mario Lemieux en 1984-1985 a changé cela. Le cadet de la famille Stastny a connu des débuts fracassants dans la LNH. Il a atteint le plateau des 100 points à sept reprises dont six saisons consécutives. Peter Stastny fut aussi un excellent leader et devint le capitaine des Nordiques. Il futIl est échangé le 6 mars 1990 aux Devils du New Jersey en retour de Craig Wolanin et de considérations futures qui deviendront le défenseur Randy Velischek . Par la suite, Peter Stastny se joindra aux Blues de Saint-Louis. Il y connaitra beaucoup de difficultés et sera écopé par les blessures il ne jouera que 17 matchs en 1993-94 accumulant 16 points. L’année suivante ce sera encore pire avec seulement 6 matchs joués et 2 points accumulés. Ceci sonnera l’heure de la retraite pour Peter Stastny.
Il partira la tête haute avec 1239 points en sa carrière dans LNH en saison régulière et une centaine de points supplémentaires lors des séries éliminatoires. Ces statistiques reluisantes lui ont valu une intronisation au Temple de la renommée de la LNH en 1998. Il fut aussi choisi parmi les 1oo meilleurs joueurs de tous les temps :
Peter Stasny sera aussi intronisé au Temple de la renommée de l’IIHF en 2000 ainsi qu’au Temple de la renommée slovaque en 2002.
Voilà qui clôt l’histoire pour le moins rocambolesque de ces trois frères. Désolé pour la longueur du texte, mais il est rare que trois frères s’évadent de leur pays pour évoluer au sein du même trio dans la LNH ! Leur épopée est tout simplement digne d’un roman !
Sources : -Benoît Clairoux, Les Nordiques. Toute l’histoire de 1972 à 1995
-Claude Larochelle, Les Nordiques: 10 ans de suspense, Sillery, Lotographie.
-Jean-François Tardif, Le Soleil, La vraie histoire des Stastny selon Gilles Léger
-Robert Laflamme, Les Stastny, le coup de génie de Gilles Léger, Les Éditions Hurtubise.
Crédit photo : RDS, Le Journal de Montréal, gettyimages.ca Ice Hockey Wiki – Fandom, Edmonton Journal et NHL.com